La Vestale Moderne, dit son créateur, G.B. Amendola.
Une vestale moderne. Ça existe encore ? Faut croire que oui, et qu’elle sert le dieu dans un temple.
Un regard fixe, des lèvres légèrement écartées, que nous dit le visage de cette femme ? Médite-t-elle sur sa condition de recluse? Sur la profondeur de sa foi ? Pèse-t-elle les relations qu’elle entretient avec ses consœurs tout aussi recouvertes de drapés ? Tout est possible dans ce jardin à statues qui nous est présenté. Mais est-elle triste ?
Je ne le pense pas.
Il me semble plutôt qu’elle est en train d’ancrer sa détermination. Oui… Oui…
Sa décision est prise.
Dès demain matin, avant même le lever du soleil, elle partira.
Elle ne supporte plus d’allumer les lampes et les cierges.
L’immobilité des longues stations à l’oratoire la rend folle.
Car, priant ou de chantant la gloire du dieu, elle subit tiraillements et douleurs articulaires à un point tel, qu’il lui est parfois presqu’impossible de se relever de l’agenouilloir et son corps refuse de s’y plier davantage.
Sa vocation à elle, Magdalena, c’est le mouvement. Comme une illumination, au plus profond de son esprit et de son cœur, elle lui est apparue lors d’une veille dans le froid intense d’une nuit de janvier. Aujourd’hui, elle en est absolument sûre :
C’est au milieu des hommes et des femmes qu’elle servira le dieu qui l’envoie.
Les recueillir, les écouter, les soigner, les éduquer : toutes ces tâches l’exaltent. Et, elle saura les accomplir sans faillir. Plus elle y réfléchit, plus elle se sent déterminée et fait face à toutes les objections.
La fatigue ? Elle en fait son affaire.
Les risques de la vie en milieu urbain au milieu des taudis ? Elle connaît. Elle y est née.
Le plus difficile à affronter ont été les réactions de la hiérarchie du temple.
Ebahie, la responsable n’en a pas cru ses oreilles. Elle a évoqué l’oeuvre du Malin. Mais Magdeleine a tenu bon. Elle a souri. Elle a dit au-revoir. Elle est partie. Sans un mot de plus.
De ses relations, elle a fait des bienfaiteurs : Les plaies du corps sont lavées, celles de l’âme sont pansées. Aujourd’hui, la joie les traverse et se communique.
Le Paradis ? Pas vraiment. Pas encore. Mais …
En affrontant les pressions et les attaques, en améliorant les conditions de vie des habitants maltraités, Madeleine et son groupe d’exaltés, comme les nomment les bien-pensants, créent autour d’eux, sans dire grand-chose, un nouvel état d’esprit : il est possible de rendre espoir et esprit combatif à ceux qui, jusqu’alors ont pleuré, protesté manifesté mais oublié d’agir en profondeur.
Est-ce pour cela qu’en plein hiver moyen-oriental, un enfant emmailloté de chiffons a provoqué alentours et plus loin – bien plus loin – un enthousiasme créateur qui a bouleversé la philosophie et la vie des hommes de bonne volonté ? C’était dans la nuit des temps! Plus de deux mille ans! Et pourtant… malgré les apparences, et, tant bien que mal, cela dure encore aujourd’hui.
Elle pétrissait la farine d’épeautre pour confectionner les galettes rituelles, et de temps en temps elle y ajoutait une larme.
– Sylvia, tu pleures encore ! Je sais que tu penses à tes gamins et que tu es triste, mais si tu continues comme ça la pâte va être trop salée !
– Je ne peux pas m’empêcher de penser à eux. J’ai à peine eu le temps de les serrer dans mes bras que ce salaud de tonton Amulius, non content d’avoir chassé mon père et pris le pouvoir, me les a enlevés et moi, me voilà reléguée ici, gardée à vue par la mère supérieure. Si au moins je savais ce qu’ils sont devenus. Et Mars, il pourrait bien me faire avoir des nouvelles, non ? Il doit savoir, lui. Depuis qu’il m’a séduite dans la grotte de la source, pfft, un vrai courant d’air, ni vu ni connu.
– Ni vu, ni connu… Tu en as de bonnes, il t’a quand même fait des jumeaux !
– C’est bien ce que je dis, séduite et abandonnée… Ah les dieux, pire que les hommes.
– D’après moi tu te biles pour rien. Amulius est une crapule, certes, et un jour ou l’autre il paiera pour ses crimes, mais il t’a laissé la vie sauve et ici, même si on est vouées à la chasteté, c’est pas le bagne, on a pleins d’avantages…
– Ça me fait une belle jambe, moi je veux mes gosses…
– Tu ferais mieux de te résigner, après tout ce sont les fils de Mars et il veillera sur eux, tu peux en être certaine, un peu cavaleur certes, comme tous ses copains de l’Olympe, mais c’est pas un mauvais bougre. Et puis… je vais te dire une chose, mais motus, tu le gardes pour toi, je me suis laissé dire qu’un devin a prédit un fabuleux destin, un des deux deviendra roi et il règnera sur une grande cité qui deviendra éternelle. C’est pas merveilleux, ça ? Allez sèche tes larmes, aies confiance et souris à la vie, elle te le rendra !
Nous sommes un atelier d’écriture créé à Ottawa en 2011. Notre thématique est d’écrire au Musée, devant les œuvres d’art. Nous avons publié des recueils de nouvelles, nous organisons un concours de nouvelles annuel depuis 2013. Les nouvelles sélectionnées sont publiées. Depuis 2015 nous sommes une association sous la loi 1901 dont le siège social est à Puteaux.
La Vestale Moderne, dit son créateur, G.B. Amendola.
Une vestale moderne. Ça existe encore ? Faut croire que oui, et qu’elle sert le dieu dans un temple.
Un regard fixe, des lèvres légèrement écartées, que nous dit le visage de cette femme ? Médite-t-elle sur sa condition de recluse? Sur la profondeur de sa foi ? Pèse-t-elle les relations qu’elle entretient avec ses consœurs tout aussi recouvertes de drapés ? Tout est possible dans ce jardin à statues qui nous est présenté. Mais est-elle triste ?
Je ne le pense pas.
Il me semble plutôt qu’elle est en train d’ancrer sa détermination. Oui… Oui…
Sa décision est prise.
Dès demain matin, avant même le lever du soleil, elle partira.
Elle ne supporte plus d’allumer les lampes et les cierges.
L’immobilité des longues stations à l’oratoire la rend folle.
Car, priant ou de chantant la gloire du dieu, elle subit tiraillements et douleurs articulaires à un point tel, qu’il lui est parfois presqu’impossible de se relever de l’agenouilloir et son corps refuse de s’y plier davantage.
Sa vocation à elle, Magdalena, c’est le mouvement. Comme une illumination, au plus profond de son esprit et de son cœur, elle lui est apparue lors d’une veille dans le froid intense d’une nuit de janvier. Aujourd’hui, elle en est absolument sûre :
C’est au milieu des hommes et des femmes qu’elle servira le dieu qui l’envoie.
Les recueillir, les écouter, les soigner, les éduquer : toutes ces tâches l’exaltent. Et, elle saura les accomplir sans faillir. Plus elle y réfléchit, plus elle se sent déterminée et fait face à toutes les objections.
La fatigue ? Elle en fait son affaire.
Les risques de la vie en milieu urbain au milieu des taudis ? Elle connaît. Elle y est née.
Le plus difficile à affronter ont été les réactions de la hiérarchie du temple.
Ebahie, la responsable n’en a pas cru ses oreilles. Elle a évoqué l’oeuvre du Malin. Mais Magdeleine a tenu bon. Elle a souri. Elle a dit au-revoir. Elle est partie. Sans un mot de plus.
De ses relations, elle a fait des bienfaiteurs : Les plaies du corps sont lavées, celles de l’âme sont pansées. Aujourd’hui, la joie les traverse et se communique.
Le Paradis ? Pas vraiment. Pas encore. Mais …
En affrontant les pressions et les attaques, en améliorant les conditions de vie des habitants maltraités, Madeleine et son groupe d’exaltés, comme les nomment les bien-pensants, créent autour d’eux, sans dire grand-chose, un nouvel état d’esprit : il est possible de rendre espoir et esprit combatif à ceux qui, jusqu’alors ont pleuré, protesté manifesté mais oublié d’agir en profondeur.
Est-ce pour cela qu’en plein hiver moyen-oriental, un enfant emmailloté de chiffons a provoqué alentours et plus loin – bien plus loin – un enthousiasme créateur qui a bouleversé la philosophie et la vie des hommes de bonne volonté ? C’était dans la nuit des temps! Plus de deux mille ans! Et pourtant… malgré les apparences, et, tant bien que mal, cela dure encore aujourd’hui.
Joyeux Noël !
Texte de Janine
LA VESTALE EST TRISTE
Elle pétrissait la farine d’épeautre pour confectionner les galettes rituelles, et de temps en temps elle y ajoutait une larme.
– Sylvia, tu pleures encore ! Je sais que tu penses à tes gamins et que tu es triste, mais si tu continues comme ça la pâte va être trop salée !
– Je ne peux pas m’empêcher de penser à eux. J’ai à peine eu le temps de les serrer dans mes bras que ce salaud de tonton Amulius, non content d’avoir chassé mon père et pris le pouvoir, me les a enlevés et moi, me voilà reléguée ici, gardée à vue par la mère supérieure. Si au moins je savais ce qu’ils sont devenus. Et Mars, il pourrait bien me faire avoir des nouvelles, non ? Il doit savoir, lui. Depuis qu’il m’a séduite dans la grotte de la source, pfft, un vrai courant d’air, ni vu ni connu.
– Ni vu, ni connu… Tu en as de bonnes, il t’a quand même fait des jumeaux !
– C’est bien ce que je dis, séduite et abandonnée… Ah les dieux, pire que les hommes.
– D’après moi tu te biles pour rien. Amulius est une crapule, certes, et un jour ou l’autre il paiera pour ses crimes, mais il t’a laissé la vie sauve et ici, même si on est vouées à la chasteté, c’est pas le bagne, on a pleins d’avantages…
– Ça me fait une belle jambe, moi je veux mes gosses…
– Tu ferais mieux de te résigner, après tout ce sont les fils de Mars et il veillera sur eux, tu peux en être certaine, un peu cavaleur certes, comme tous ses copains de l’Olympe, mais c’est pas un mauvais bougre. Et puis… je vais te dire une chose, mais motus, tu le gardes pour toi, je me suis laissé dire qu’un devin a prédit un fabuleux destin, un des deux deviendra roi et il règnera sur une grande cité qui deviendra éternelle. C’est pas merveilleux, ça ? Allez sèche tes larmes, aies confiance et souris à la vie, elle te le rendra !