Écrire en bleu

Atelier de couleurs

le bleu

Vous aimez le bleu, celui du ciel ou de la mer…

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Bonne écriture

la plume indigo

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20 réponses à Écrire en bleu

  1. Odile zeller dit :

    Texte de Michèle Surre

    Bleu comme une Madeleine !

    Ma mère, elle, n’était pas comme les autres. Elle voyait bleu. Mais vraiment bleu. Dans les années cinquante, le rose était de mise pour les filles, elle le refusa tout net et me voua au bleu, sans pour autant me dédier à la Vierge. Rien de religieux dans son amour du bleu. Peut-être la mer qu’elle n’avait jamais vue ou le ciel sans nuages qu’elle n’avait pas connu. La pureté de l’air l’été, la limpidité du ruisseau au fond du pré où, petite fille, elle gardait ses moutons en s’ennuyant. Bleu, couleur incongrue dans sa campagne détestée où tout était brun.

    Elle prit sa liberté et décida de sa couleur. Enfant adorée, avait-elle inscrit à l’encre de chine sur mon acte de naissance. Elle me choisit un prénom mixte et une couleur de garçon. Jamais de rose à la maison, elle m’apprit à détester le rose pour sa mièvrerie. Le bleu était son emblème, elle le déclinait en nuances joyeuses suivant les tenues, les circonstances et les saisons. Bleu marine à Pâques, turquoise au cœur de l’été, bleu indigo à la rentrée, bleu pétrole à Noël. Une pointe de vert pouvait souligner le bleu, rien de plus.

    Je n’ai jamais contesté ses couleurs. De siennes, elles sont devenues miennes, nôtres, nos repères, nos armoiries. On portait le bleu comme on porte son nom, son origine. Je voyais la vie en bleu, comme elle, excepté, les imprévisibles périodes en noir. Nous rangions le bleu pour deux années au fond de l’armoire. Une année de deuil complet que suivait une autre année de demi-deuil où le gris côtoyait le noir et blanc. La sortie de deuil se faisait en parme ou aubergine. Puis le gris-bleu suivait, ouvrant la voie peu à peu à un bleu plus franc. La durée de la trêve était inconnue, nous en profitions avant qu’un autre deuil nous replonge dans le noir. Les couleurs reflétaient événements et sentiments.

    Le bleu reste a jamais lié à mon enfance et à l’amour maternel. Elle imprima le bleu en moi. Le bleu de ses yeux, qui jusqu’à son dernier souffle gardèrent le même éclat ; la même intelligence, la même vivacité, la même lueur de malice ; le même : « je vous ai bien eu, vous n’êtes que des bleus! » À moins que ce ne fut : « je vous ai bien eu, vous n’y avez vu que du bleu ! »

  2. Odile zeller dit :

    Texte de Janine

    Bleu Istanbul

    Prise entre la coupole infinie de son ciel mouvant et le miroitement de ses trois mers, Istanbul déploie la palette de ses bleus.
    Toutes sortes de bleus courent sur ses murs et dans ses rues. Le bleu tendre des yali en bois, sur les bords du Bosphore, le bleu mystique de la robe de mosaïque du Christ, à Chora, infernal dans les eaux souterraines qui abritent la Gorgone.
    Bleus les carreaux de céramiques d’Iznik dans la Mosquée Bleue qui n’est pas la plus bleue des mosquées, la couleur étant délayée par la lumière. Plus intense est le bleu de la toute petite Rustem Pacha. L’esprit s’y élève et vogue vers la méditation.
    Lorsque le murmure apaisant du bleu devient symphonie, je glisse malgré moi vers le songe heureux d’un matin bleu.

  3. Marc dit :

    C’était un jeunot qui était natif des Causses en Aveyron, il avait rejoint le 12ème corps de l’armée de Napoléon III car le bataillon du gamin avait été décimé du côté de Givonne. Ils l’avaient affecté là, dans notre enfer à nous, pour le cas où cézigue en aurait réchappé par tirage au flanc. Anselme l’a tout de suite appelé « le Bleu » à cause du bleu des Causses et de son jeune âge. Il aurait du être instituteur s’il n’avait pas été réquisitionné pour aller repousser le prussien jusque dans les eaux boueuses du Rhin, avant sa prise de fonction. Il écrivait pour nous des lettres d’une belle écriture toute ronde de pleins et de déliés. Quand nous nous adressions à nos mères, il savait trouver les mots pour les rassurer, il ajoutait toujours une douce lueur d’espoir et nous finissions, nous aussi, par être convaincus de voir bientôt finir cette guerre maudite. Pour une fiancée, une femme ou une maîtresse, avec un vocabulaire toujours chaste, il traduisait nos désirs charnels par des métaphores animalières qui, bien souvent, réveillaient de virils ardeurs. Mais ce dans quoi il excellait c’était dans l’écriture de poèmes qu’il nous lisait la nuit sous les tentes que nous dressions à la va-vite derrière la ligne de front:
    « La lune est brune et le soir venu
    Pâle, la terre fait peine à voir
    Une lueur éclaire, au loin perdus,
    Des trous d’obus emplis d’eau noire… »
    On se regroupait autour de lui, un peu pour se réchauffer, un peu pour essayer de lire par dessus son épaule et admirer le bel ordonnancement de son écriture.
    « ..A force de boue et de sang
    Aux portes de l’horreur
    Le fantassin d’à peine vingt ans
    Agonise et se meurt
    Dans le silence assourdissant
    De nos regards impuissants… »
    Le capitaine disait que Le Bleu avait du talent et quand la guerre serait finie il aurait son heure de gloire. Ça, on peut dire qu’il l’a eue, son heure de gloire ! Mais à ce moment-là on se trouvait encerclé par le Kaiser, ses canons et ses cuirassiers dans les bois de Sedan.
    J’ai vu Le Bleu descendre dans la combe en courant pour tenter de percer les lignes prussiennes. Il y eu deux coups de feu dont le bruit roula le long du torrent comme un orage dans la vallée. Le Bleu fit une culbute et se retrouva, bouche ouverte, allongé sur le dos, dans le cresson et quelques fleurs sauvages. On aurait pu croire qu’il s’était endormi là.
    Quelques mois plus tard, sur les barricades de Paris, j’ai rencontré un gamin de Charleroi, à peine plus âgé que le Bleu, à qui j’ai raconté cette histoire. Avec un regard habité d’une soudaine flamme il murmura comme pour lui-même: « Le dormeur du val… »

  4. Régine dit :

    La Java Bleue
    À la sardine ! À la sardine ! Sur les quais d’un port de Bretagne encore plongé dans les gris-bleus d’un petit matin frisquet, on entend les cris des marchands résonner d’un banc à l’autre; on aperçoit les poissons aux ventres brillants qui scintillent dans l’air vif. C’est encore marée haute.
    Le Forban, qui a terminé de décharger sa pêche, s’apprête à repartir, lorsqu’on entend, du bout du quai, une voix entonner « la Java Bleue ». C’est Alban, le vieux loup de mer, qui se réveille; il a encore dû dormir à la belle étoile sur un banc depuis hier minuit, quand Georgette a fermé son café, le Force 4.
    – Faut que t’arrêtes de picoler, Alban ! T’es lourd, là ! râle le patron du rafiot.
    – Vivement c’ soir qu’on s’ couche, grogne l’Alban en se laissant tomber sur une galette de cordages. Tiens, je vas m’en griller une…
    Il avait quitté sa ferme, fier comme Artaban, dans sa vareuse rouge vif, sac au dos. Son père et son frère l’avaient accompagné au port pour sa première campagne de pêche, son premier voyage. Il voulait faire marin. Il était bien naïf, le petit mousse ! À peine sorti du port, il avait eu le mal de mer et dégueulé tripes et boyaux.
    – Allez la bleusaille, c’est la mer qui rentre ! Ça va passer…
    Et puis il s’y était fait, au tangage, au roulis, aux manoeuvres et aux couchettes étroites qu’on occupait à tour de rôle. Rentré à terre, il était tout fier d’avoir vaincu ses peurs et sa nausée. Mais une surprise l’attendait : pour fêter ce baptême, le patron lui offrait un autre voyage, au bout du quai, celui-là : une virée au Force 4, la maison de passes bien connue des équipages de commerce et de navale, d’ici et d’ailleurs. Passage obligé : il dut s’y plier. Il choisit une petite brune frisée; elle ressemblait à sa payse, qu’il n’avait jamais encore touchée. Tout intimidé, il la laissa manoeuvrer. Quand il redescendit, ne sachant s’il avait passé l’épreuve, on l’attendait. La petite brune frisée lança à la cantonade :
    – Il était bien naïf, vot’ compagnon !!
    – C’est un bleu, gloussaient les autres. Ça va aller, la bleusaille, ça va passer…
    Alban n’était plus un bleu. Pourtant ça n’avait jamais passé, cette naïveté, cette nostalgie, ce besoin de tendresse… Mais les promesses, on ne les tient pas toujours…
    Alors il boit, l’Alban, du vin bleu qui le fait chanter sous les étoiles et s’endormir heureux en rêvant d’un foyer, d’une mère, d’un sein chaud où poser sa tête fatiguée.
    “C’est la Java bleue, la java la plus belle, celle qui ensorcelle, et que l’on danse les yeux dans les yeux…”

  5. Régine dit :

    Glas
    Entre le bleu et le vert
    Mer
    Outremer
    par-delà l’horizon des hommes bleus
    au-delà des déserts,
    ils voyagent, nos marins,
    navigateurs solitaires
    sous des ciels de brume,
    traquant la sardine et le maquereau d’argent,
    fuyant les bleus à l’âme…

  6. Régine dit :

    Ma mère
    Sur sa gorge en feu
    Elle mettait du méthylène pur
    Sa cure indigo
    ça faisait des bruits bizarres
    et sur sa langue,
    comme des mûres écrasées.

  7. Odile zeller dit :

    Texte de Loretta

    “Enfin, je suis sur la Côte d´Azur! J´enfile une paire de blue jeans et mes basket en toile bleue. Me voilà partie à la recherche de bleuets sous un ciel qu´aucun nuage – bleu, aurait dit Tomi Ungerer – ne trouble. Un carnet bleu « papier à sucre » et un stylo bleu, les fidèles compagnons de mes journées « blues », sont dans ma poche. Les écouteurs aux oreilles, un rythme de blues ponctue mes pas. Mais voilà que je remarque les collines qui se détachent sur l´horizon bleu, je m´arrête – (pas de pique – nique, en fait quel pourrait – être un aliment bleu ? Il est trop tôt et ce n´est pas l´endroit pour un cocktail à base de curaçao), j´ôte mes écouteurs et je ferme les yeux (les miens sont bleus, comme par hasard): je sens que je m´envole presque, ” nel blù dipinto di blù ….””

  8. Odile zeller dit :

    Bleu ciel, bleu nankin, bleu de Delft, de Prusse, des mers du Sud, qui nous chantent toutes les latitudes, bleu roi, bleu horizon qui parlent politique et tous les autres dû turquoise au marine qui déclinent des matières, des vies, le bleu nous accompagne. Il est européen, américain mais en Asie on les réservent à nous autres les nez pointus, les étrangers… en Chine associé à la malchance il ne trouve aucun public face au rouge. Il est doux, calme, il unit ciel et mer, il rend les uniformes moins sombre, il souligne l’élégance tout en restant sobre. Facilement religieux mais également poétique il parle de culture et de beauté.

    Odile

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