Elle s’étonne de le voir l’enlacer. Il la connait depuis deux jours à peine! Elle est juste une nourrice pour les vacances. Mais il l’aime, croit qu’elle va le protéger, être là pour lui…
Ce soir elle écrira dans son journal que les enfants sont comme les animaux, simples, confiants, vrais… Elle parlera de Kiki le petit chien de sa mère et de Marguerite la vache sans mentionner leur nom pour avoir l’air profonde, scientifique, détachée….
Mais avant elle savoure le moment : l’océan infini, la douceur du vent, les embruns piquants et cette présence tendre, réelle.
Elle se sent bien, calme, sereine. Elle voudrait prendre une photo pour retenir cet instant pour toujours, mais cela gâcherait tout… Peut-être un peintre ou un poète est en train de capturer cette bulle de bonheur sur son carnet…
Elle n’y pense pas davantage. Il veut courir, jouer, nager… C’est terminé.
Virginie monta l’escalier quatre à quatre et trouva sa fille assise sur son lit, l’air buté.
– Tu n’es pas encore habillée ? Dépêche-toi voyons, nous allons être en retard. Tu sais bien que nous allons passer le week-end chez Mamie.
– J’veux pas y aller chez Mamie.
– Et pourquoi ça, on peut savoir ?
– Elle m’aime pas.
– Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? D’où tu sors ça ?
– Elle est méchante avec moi. Elle me crie dessus tout le temps et puis elle me secoue, comme ça.
Elle mima le geste en secouant sa poupée.
– Mais ce n’est pas possible voyons, je m’en serais aperçue.
– Ça risque pas. Devant toi, elle le fait pas.
– C’est grave ce que tu dis, il ne faut dire des choses comme ça…
– Et même que la dernière fois elle a dit un vilain mot en parlant de moi avec Papy.
– Ah bon ? Mais d’abord, comment tu sais que c’est un vilain mot ?
– Parce que Papy s’est fâché et il a dit qu’elle ne devait plus jamais dire ça. Il était très en colère Papy, il m’aime, lui.
– Et… ce mot… c’était quoi ? Tu t’en souviens ?
– Bâtarde, elle a dit.
Virginie blêmit, les jambes coupées, désemparée. C’était trop injuste. Sa mère osait… Comment ne s’était-elle pas méfiée ? Elle savait bien pourtant combien elle pouvait être rancunière, incapable de pardonner… Ne lui ‘avait-elle pas assez reproché de les avoir couverts de honte, d’avoir fauté et… avec un étranger, en plus. Ça ne finirait donc jamais… Il fallait régler ça une bonne fois pour toutes. Entre mère et fille.
Les larmes aux yeux elle serra l’enfant dans ses bras et la couvrit de baisers.
– N’y pense plus ma chérie, ta grand’mère commence à être âgée et elle ne sait pas toujours ce qu’elle dit, il ne faut pas lui en vouloir.
– D’abord ça veut dire quoi, bâtarde ?
Que répondre à une enfant confrontée à la stupidité, à la méchanceté et à la mesquinerie des grandes personnes ?
– Ça veut dire qu’on a deux papas, c’est plutôt une chance non ? Ya des enfants qui n’en ont même pas un ! Je te raconterai l’histoire de ton premier papa qui n’a pas pu rester près de moi. C’est pour ça que ton papa d’aujourd’hui t’aime tellement plus, pour que tu ne manques jamais d’amour. Alors ce que peut dire Mamie… ça n’a pas d’importance, c’est juste un pet de lapin ! Ah ! Ça te fait rire hein ? Tout ce qui compte ma chérie c’est que nous trois, avec Papa, on s’aime et on est les plus forts. Alors on y va ?
– On y va !
Entre mère et fille
– Tu ne le diras pas à Papa ?
– Non c’est promis c’est pour lui faire un cadeau c’est ça ?
– Non pas vraiment un cadeau.
– Ah bon c’est quoi alors ?
– Je voudrais partir …
– Une semaine de vacances c’est cool je m’occuperai de Papa !
– Non partir …
– Partir pour toujours … oh non … tu peux pas faire ça
Et moi alors ? Tu me laisserais ?
– Non tu viendrais avec moi ….
– Et Papa tu lui dirais rien et il se retrouverait tout seul ?
Oh maman tu … Vous allez divorcer mais vous voulez pas me le dire … c’est ça.
– Non enfin plus tard mais Papa il n’est pas souvent là…
– Oui il a beaucoup de travail alors il rentre tard ou pas du tout.
– Il est ailleurs … c’est pour ça je préfère partir
– je verrai plus Papa …
– Tu ne le vois pas beaucoup
– c’est un papa du dimanche
– voila il restera un papa du dimanche
Un texte léger en mot, lourd en sens. Il va bien avec la peinture : on sent qu’il se joue quelque chose de très fort dans une ambiance de villégiature.
Nous sommes un atelier d’écriture créé à Ottawa en 2011. Notre thématique est d’écrire au Musée, devant les œuvres d’art. Nous avons publié des recueils de nouvelles, nous organisons un concours de nouvelles annuel depuis 2013. Les nouvelles sélectionnées sont publiées. Depuis 2015 nous sommes une association sous la loi 1901 dont le siège social est à Puteaux.
Elle s’étonne de le voir l’enlacer. Il la connait depuis deux jours à peine! Elle est juste une nourrice pour les vacances. Mais il l’aime, croit qu’elle va le protéger, être là pour lui…
Ce soir elle écrira dans son journal que les enfants sont comme les animaux, simples, confiants, vrais… Elle parlera de Kiki le petit chien de sa mère et de Marguerite la vache sans mentionner leur nom pour avoir l’air profonde, scientifique, détachée….
Mais avant elle savoure le moment : l’océan infini, la douceur du vent, les embruns piquants et cette présence tendre, réelle.
Elle se sent bien, calme, sereine. Elle voudrait prendre une photo pour retenir cet instant pour toujours, mais cela gâcherait tout… Peut-être un peintre ou un poète est en train de capturer cette bulle de bonheur sur son carnet…
Elle n’y pense pas davantage. Il veut courir, jouer, nager… C’est terminé.
Un joli texte un peu impressionniste
Très gai aussi merci
Texte de Janine
Virginie monta l’escalier quatre à quatre et trouva sa fille assise sur son lit, l’air buté.
– Tu n’es pas encore habillée ? Dépêche-toi voyons, nous allons être en retard. Tu sais bien que nous allons passer le week-end chez Mamie.
– J’veux pas y aller chez Mamie.
– Et pourquoi ça, on peut savoir ?
– Elle m’aime pas.
– Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? D’où tu sors ça ?
– Elle est méchante avec moi. Elle me crie dessus tout le temps et puis elle me secoue, comme ça.
Elle mima le geste en secouant sa poupée.
– Mais ce n’est pas possible voyons, je m’en serais aperçue.
– Ça risque pas. Devant toi, elle le fait pas.
– C’est grave ce que tu dis, il ne faut dire des choses comme ça…
– Et même que la dernière fois elle a dit un vilain mot en parlant de moi avec Papy.
– Ah bon ? Mais d’abord, comment tu sais que c’est un vilain mot ?
– Parce que Papy s’est fâché et il a dit qu’elle ne devait plus jamais dire ça. Il était très en colère Papy, il m’aime, lui.
– Et… ce mot… c’était quoi ? Tu t’en souviens ?
– Bâtarde, elle a dit.
Virginie blêmit, les jambes coupées, désemparée. C’était trop injuste. Sa mère osait… Comment ne s’était-elle pas méfiée ? Elle savait bien pourtant combien elle pouvait être rancunière, incapable de pardonner… Ne lui ‘avait-elle pas assez reproché de les avoir couverts de honte, d’avoir fauté et… avec un étranger, en plus. Ça ne finirait donc jamais… Il fallait régler ça une bonne fois pour toutes. Entre mère et fille.
Les larmes aux yeux elle serra l’enfant dans ses bras et la couvrit de baisers.
– N’y pense plus ma chérie, ta grand’mère commence à être âgée et elle ne sait pas toujours ce qu’elle dit, il ne faut pas lui en vouloir.
– D’abord ça veut dire quoi, bâtarde ?
Que répondre à une enfant confrontée à la stupidité, à la méchanceté et à la mesquinerie des grandes personnes ?
– Ça veut dire qu’on a deux papas, c’est plutôt une chance non ? Ya des enfants qui n’en ont même pas un ! Je te raconterai l’histoire de ton premier papa qui n’a pas pu rester près de moi. C’est pour ça que ton papa d’aujourd’hui t’aime tellement plus, pour que tu ne manques jamais d’amour. Alors ce que peut dire Mamie… ça n’a pas d’importance, c’est juste un pet de lapin ! Ah ! Ça te fait rire hein ? Tout ce qui compte ma chérie c’est que nous trois, avec Papa, on s’aime et on est les plus forts. Alors on y va ?
– On y va !
Un certain humour dans ce texte et aussi une grogne … bien analysé. Merci
Entre mère et fille
– Tu ne le diras pas à Papa ?
– Non c’est promis c’est pour lui faire un cadeau c’est ça ?
– Non pas vraiment un cadeau.
– Ah bon c’est quoi alors ?
– Je voudrais partir …
– Une semaine de vacances c’est cool je m’occuperai de Papa !
– Non partir …
– Partir pour toujours … oh non … tu peux pas faire ça
Et moi alors ? Tu me laisserais ?
– Non tu viendrais avec moi ….
– Et Papa tu lui dirais rien et il se retrouverait tout seul ?
Oh maman tu … Vous allez divorcer mais vous voulez pas me le dire … c’est ça.
– Non enfin plus tard mais Papa il n’est pas souvent là…
– Oui il a beaucoup de travail alors il rentre tard ou pas du tout.
– Il est ailleurs … c’est pour ça je préfère partir
– je verrai plus Papa …
– Tu ne le vois pas beaucoup
– c’est un papa du dimanche
– voila il restera un papa du dimanche
Un texte léger en mot, lourd en sens. Il va bien avec la peinture : on sent qu’il se joue quelque chose de très fort dans une ambiance de villégiature.