(…) Après avoir hésité un moment, Titi avait décidé de ne pas réitérer l’expérience du pont et avait regroupé ses affaires dans les deux poussettes qu’il empila, comme à l’accoutumée, l’une sur l’autre. Parce qu’il fallait partir en quête de friandise pour le chat, et qu’il avait par dessus tout besoin d’un vrai café, il avait pris la direction des halles, s’était installé à une terrasse et avait passé sa commande sous l’œil suspicieux d’un patron qui lui réclama immédiatement son dû. L’air était léger et le soleil qui sortait de sa torpeur d’hiver commençait à prendre une téméraire ardeur. Dans les bacs à fleurs que la ville avait disposés le long des trottoirs, des tulipes multicolores alignaient leur corolles sous les premiers rayons du soleil et, par dessus la clôture d’une maison cossue, un lilas blanc expédiait un parfum soyeux et délicat. Dans un arbuste dont les bougeons avaient déjà façonné de tendres feuilles, un merle faisait bruyamment sa cour à une éventuelle compagne avant de s’envoler à sa poursuite en zigzagant entre les badauds. Titi, sentant la mauvaise humeur le quitter doucement, humait l’air et se remémorait l’odeur des prairies de son enfance qui, à cette époque de l’année, voyaient éclore toute une panoplie de fleurs jaunes parsemant le paysage et les talus de tapis orientaux aux motifs complexes. L’image fulgurante de Solange cueillant une brassée de boutons d’or, assaillit subitement sa mémoire et vint cruellement lui rappeler le mal de crâne qui lui vrillait les tempes depuis ce matin. Il chassa rapidement ces tristes pensées et focalisa son regard sur les passants qui commençaient à affluer. Quelques jeunes femmes confiantes avaient eu l’audace de sortir jambes et épaules nues, alors que les vieux conservaient encore de lourds manteaux qui les prémunissaient des caprices de la température printanière. Les ménagères soupesaient les salades et secouaient les bottes de radis pour en faire tomber les feuilles jaunies, elles hésitaient devant le prix des pommes de terre nouvelles et finissaient souvent par succomber à la tentation de la fraîcheur. Traînant derrière elles leurs cabas à roulettes elles plongeaient les mains dans des montagnes de haricots verts, humaient un bouquet de coriandre ou soupesaient une botte de carottes dont les fanes étaient nouées d’un ruban de raphia.
– On va voir le poissonnier ? avait demandé le chat qui trônait au sommet des deux poussettes.
(…)
L’ambiance s’installe. C’est un texte plein de notataions visuelles. Le printemps est présent par petites touches : odeurs, bruits et chaleur. J’aime le confort qui change l’humeur de Titi et les tenues des passantes.
Aujourd’hui, mes mains embaument et je n’arrête pas de les porter vers les narines pour humer cette piquante fraîcheur ; thym, romarin … fenouil ;ce sont des rites d’aujourd’hui pour reprendre le cours de l’histoire de la vie , retrouver le sourire, des sensations dans le manque, refaire le chemin ,mais je suis seule avec ces acquis ; la mémoire me restitue des bribes de moments innocents . Alors , à cet instant, je me fais une tisane de thym,une infusion et l’eau qui frémit doucement ce 10 Mai ressemble davantage à un simulacre de goûter, c’est plus une cérémonie qu’ une véritable soif . Il a plu le Ier Mai ; en principe quand toutes les touffes sont en fleurs, si mignonnes et d’un si beau bleu, on bat la campagne pour une cueillette odorante de branchettes douces au toucher ;l’on sent coller aux doigts la sève nouvelle. Alors je refais ce que faisaient les familles qui s’égayaient dans les garrigues, heureuses en plein air dans les gris et verts passés des oliviers sauvages les “roupiou”s, ,les chênes kermes,l’alaterne , sous un ciel insolent dégagé , ému lui aussi…Je me souviens alors des moments légers du printemps par tous les sens..
Belle aurore, jouvencelle
C’est la danse du feu dans les allées princières
Bonjour violettes, primevères
Au Printemps de Jeunesse éternelle.
A petits pas, l’abeille danse dans les allées
A la recherche des roses galliques
Les insectes irisés font aussi leur musique
Enivrés des parfums sur les cœurs dévoilés
Délices féériques, ces espaces secrets
Contiennent dans leur main l’âme du monde
Nos regards émerveillés les fécondent
De pensées et gestes envoûtés.
Les papillons épris de senteurs
S’abreuvent de nectars butinés un à un
Elixirs d’un Eden offert sur notre Terre
Qui est un Jardinet au sein de l’Univers
L’odeur des orangers, un bain de douceur sucré. Les citronniers offrent un parfum plus fort, légèrement piquant et les bergamotiers plus intense, plus oriental. Ici dans le jardin les couleurs explosent: les fragiles pivoines chinoises avant leurs voisines japonaises et après les sculptures florales rondes et rouges des camélias. Le printemps est ma saison préférée, la plus parfumée. A Budapest les tilleuls vous baignaient de douceur. Vous entriez sous leurs coupoles et vous respiriez leur bienfait, une odeur suave de tisane en inhalation. Au Maroc il suffisait de traverser à allure modérée une orangeraie c’était divin. Ma préférence est française.j’hésite entre les champs de lavande en Provence où l’odeur vous alerte bien avant que le violet des bouquets ronds en file indienne ajoute la couleur à l’odeur. Rien à voir avec les petits sachets qu’on vend dans les boutiques. C’est violent, votre nez se trousse, prêt à éternuer et puis la surprise des couleurs vous interdit toute explosion intempestive. C’est beau, ça sent beau mais ce que j’aime au dessus de tout est un miracle, un instant rare ou mes pommiers sentent bon, une nuance fragile qui transpire des fleurs envolées au vent. Certains printemps ils ne sentent rien et d’autres si la chance me sourit chaque cultivar chante sa mélodie de fragrances enchantées. Le rosier dont les feuilles sentaient la pomme et les fleurs jaunes banales n’a pas survécu aux piétinements des ouvriers. Qui sait peut être aurai le la chance de le remplacer. Il était aussi dans mes odeurs de printemps… et la glycine … couleurs et senteurs … les glycines du forum… les touristes passent à côté le nez dans les explications des guides, les yeux sur leurs selfies … comment leur dire respirez et regardez c’est si beau que les vieilles pierres aient cette vitalité florale … après les jonquilles … avant le soleil brûlant de l’été et la poussière dorée du crépuscule
Nous sommes un atelier d’écriture créé à Ottawa en 2011. Notre thématique est d’écrire au Musée, devant les œuvres d’art. Nous avons publié des recueils de nouvelles, nous organisons un concours de nouvelles annuel depuis 2013. Les nouvelles sélectionnées sont publiées. Depuis 2015 nous sommes une association sous la loi 1901 dont le siège social est à Puteaux.
(…) Après avoir hésité un moment, Titi avait décidé de ne pas réitérer l’expérience du pont et avait regroupé ses affaires dans les deux poussettes qu’il empila, comme à l’accoutumée, l’une sur l’autre. Parce qu’il fallait partir en quête de friandise pour le chat, et qu’il avait par dessus tout besoin d’un vrai café, il avait pris la direction des halles, s’était installé à une terrasse et avait passé sa commande sous l’œil suspicieux d’un patron qui lui réclama immédiatement son dû. L’air était léger et le soleil qui sortait de sa torpeur d’hiver commençait à prendre une téméraire ardeur. Dans les bacs à fleurs que la ville avait disposés le long des trottoirs, des tulipes multicolores alignaient leur corolles sous les premiers rayons du soleil et, par dessus la clôture d’une maison cossue, un lilas blanc expédiait un parfum soyeux et délicat. Dans un arbuste dont les bougeons avaient déjà façonné de tendres feuilles, un merle faisait bruyamment sa cour à une éventuelle compagne avant de s’envoler à sa poursuite en zigzagant entre les badauds. Titi, sentant la mauvaise humeur le quitter doucement, humait l’air et se remémorait l’odeur des prairies de son enfance qui, à cette époque de l’année, voyaient éclore toute une panoplie de fleurs jaunes parsemant le paysage et les talus de tapis orientaux aux motifs complexes. L’image fulgurante de Solange cueillant une brassée de boutons d’or, assaillit subitement sa mémoire et vint cruellement lui rappeler le mal de crâne qui lui vrillait les tempes depuis ce matin. Il chassa rapidement ces tristes pensées et focalisa son regard sur les passants qui commençaient à affluer. Quelques jeunes femmes confiantes avaient eu l’audace de sortir jambes et épaules nues, alors que les vieux conservaient encore de lourds manteaux qui les prémunissaient des caprices de la température printanière. Les ménagères soupesaient les salades et secouaient les bottes de radis pour en faire tomber les feuilles jaunies, elles hésitaient devant le prix des pommes de terre nouvelles et finissaient souvent par succomber à la tentation de la fraîcheur. Traînant derrière elles leurs cabas à roulettes elles plongeaient les mains dans des montagnes de haricots verts, humaient un bouquet de coriandre ou soupesaient une botte de carottes dont les fanes étaient nouées d’un ruban de raphia.
– On va voir le poissonnier ? avait demandé le chat qui trônait au sommet des deux poussettes.
(…)
L’ambiance s’installe. C’est un texte plein de notataions visuelles. Le printemps est présent par petites touches : odeurs, bruits et chaleur. J’aime le confort qui change l’humeur de Titi et les tenues des passantes.
Texte de Nadia Esteba
Aujourd’hui, mes mains embaument et je n’arrête pas de les porter vers les narines pour humer cette piquante fraîcheur ; thym, romarin … fenouil ;ce sont des rites d’aujourd’hui pour reprendre le cours de l’histoire de la vie , retrouver le sourire, des sensations dans le manque, refaire le chemin ,mais je suis seule avec ces acquis ; la mémoire me restitue des bribes de moments innocents . Alors , à cet instant, je me fais une tisane de thym,une infusion et l’eau qui frémit doucement ce 10 Mai ressemble davantage à un simulacre de goûter, c’est plus une cérémonie qu’ une véritable soif . Il a plu le Ier Mai ; en principe quand toutes les touffes sont en fleurs, si mignonnes et d’un si beau bleu, on bat la campagne pour une cueillette odorante de branchettes douces au toucher ;l’on sent coller aux doigts la sève nouvelle. Alors je refais ce que faisaient les familles qui s’égayaient dans les garrigues, heureuses en plein air dans les gris et verts passés des oliviers sauvages les “roupiou”s, ,les chênes kermes,l’alaterne , sous un ciel insolent dégagé , ému lui aussi…Je me souviens alors des moments légers du printemps par tous les sens..
Nadia ESTEBA
Poème de Nadia Esteba
LA TERRE
Belle aurore, jouvencelle
C’est la danse du feu dans les allées princières
Bonjour violettes, primevères
Au Printemps de Jeunesse éternelle.
A petits pas, l’abeille danse dans les allées
A la recherche des roses galliques
Les insectes irisés font aussi leur musique
Enivrés des parfums sur les cœurs dévoilés
Délices féériques, ces espaces secrets
Contiennent dans leur main l’âme du monde
Nos regards émerveillés les fécondent
De pensées et gestes envoûtés.
Les papillons épris de senteurs
S’abreuvent de nectars butinés un à un
Elixirs d’un Eden offert sur notre Terre
Qui est un Jardinet au sein de l’Univers
très joli texte, sensuel par ses évocations florales qui donne envie de flâner au contact de la nature . merci odile
L’odeur des orangers, un bain de douceur sucré. Les citronniers offrent un parfum plus fort, légèrement piquant et les bergamotiers plus intense, plus oriental. Ici dans le jardin les couleurs explosent: les fragiles pivoines chinoises avant leurs voisines japonaises et après les sculptures florales rondes et rouges des camélias. Le printemps est ma saison préférée, la plus parfumée. A Budapest les tilleuls vous baignaient de douceur. Vous entriez sous leurs coupoles et vous respiriez leur bienfait, une odeur suave de tisane en inhalation. Au Maroc il suffisait de traverser à allure modérée une orangeraie c’était divin. Ma préférence est française.j’hésite entre les champs de lavande en Provence où l’odeur vous alerte bien avant que le violet des bouquets ronds en file indienne ajoute la couleur à l’odeur. Rien à voir avec les petits sachets qu’on vend dans les boutiques. C’est violent, votre nez se trousse, prêt à éternuer et puis la surprise des couleurs vous interdit toute explosion intempestive. C’est beau, ça sent beau mais ce que j’aime au dessus de tout est un miracle, un instant rare ou mes pommiers sentent bon, une nuance fragile qui transpire des fleurs envolées au vent. Certains printemps ils ne sentent rien et d’autres si la chance me sourit chaque cultivar chante sa mélodie de fragrances enchantées. Le rosier dont les feuilles sentaient la pomme et les fleurs jaunes banales n’a pas survécu aux piétinements des ouvriers. Qui sait peut être aurai le la chance de le remplacer. Il était aussi dans mes odeurs de printemps… et la glycine … couleurs et senteurs … les glycines du forum… les touristes passent à côté le nez dans les explications des guides, les yeux sur leurs selfies … comment leur dire respirez et regardez c’est si beau que les vieilles pierres aient cette vitalité florale … après les jonquilles … avant le soleil brûlant de l’été et la poussière dorée du crépuscule