Bonjour à tous et toutes,
Nous remercions aujourd’hui chaleureusement les auteurs qui ont écrit des nouvelles magnifiques. Nous travaillons aux résultats du concours pour publier un beau recueil, merci à notre éditeur Christophe Chomant.
Merci à nos plumes en herbe qui ont écrit de si jolis textes.
Merci aux plumes qui se livrent à nos défis.
Merci à nos donateurs : Axelle, Bernard, Caroline, Claude, Claudia, Émilie, Federica, Geneviève, Loretta, Madeleine, Martine, Michelle, Pierre et tous ceux qui contribuent à cette communauté. Sans eux rien ne serait possible.
Un grand merci et continuez à écrire, lire et à nous soutenir.
Le Premier concours de BD est en cours, les premières œuvres sont arrivées. Merci !
Vous pouvez toujours vous inscrire aux ateliers « écrire au musée » des 14 et 21 mars au Petit Palais. Nous en proposerons d’autres en avril.
Pour la journée des femmes, écrire un texte…. féminin,
ayant pour sujet une femme, jeune fille, mère …
Vous pouvez aussi vous inspirer de cette femme un peu mystérieuse que vous trouvez sur la photo.
Les textes sont accessibles sur Écrire pour le 8 mars.
N’hésitez pas, à vos plumes. Soumettez vos textes en commentaires.
Nous attendons vos commentaires, vos idées.
Les plumes
Vues : 192
Tout n’est pas qu’apparence
– Tu t’appelles Lucas ! Crie ma mère en se levant d’un bond.
Je soupire. Je feins la lassitude, mais le sentiment qui grandit en moi se nomme la peur. Derrière elle se dissimule la tristesse, qui envahit rapidement tout mon être et menace de faire couler les larmes sur mes joues.
– Tu t’appelles Lucas, et je ne veux plus en entendre parler ! Tu es un garçon, j’en sais quelque chose, quand même !
Mes mains se serrent l’une contre l’autre et, par peur, je baisse la tête comme une enfant en faute.
Mais il n’y a pas de faute, je le sais à présent.
Comment expliquer à ma mère ce que je ne comprenais pas moi-même il y a peu de temps encore ? Comment expliquer ce que je ressens, ce que je sais, à celle qui se tient dressée de l’autre côté de la table comme un lutteur agressif sur un ring ?
Comment lui expliquer que je suis une fille ?
Je me nomme Lucie, pas Lucas. Je me le suis avoué depuis des semaines, mais je le sais depuis que je suis toute petite. Ce message, sur un forum, me l’a confirmé.
Enfin j’ai su qui j’étais, ce qu’est ce mal-être qui me suit comme une ombre, comme un parasite, depuis ma plus tendre enfance.
J’ai lu des centaines, des milliers de messages après le premier et, lorsqu’ont parlé ces garçons qui ne le sont pas plus que moi, lorsque se sont exprimés ces filles qui sont bien plus masculines que je ne l’ai jamais été, j’ai pleuré.
Lignes après lignes, mots après mots, mes larmes ont coulé.
Tous, ou presque, ont souffert des réactions de leurs parents mais, dans ma grande naïveté, j’ai pensé que les miens réagiraient différemment. Forcément, ils allaient être des exceptions. Ils seraient exceptionnels.
Après tout, ils encouragent le mariage pour tous, ils ont même été témoins de mariage lorsqu’Elsa et Delphine se sont dit oui.
Pourtant, lorsque vous devez faire face à la situation, lorsqu’elle survient dans le cercle privé, les choses sont différentes.
Je vois devant mes yeux ma mère rougir de colère, un haricot toujours fiché dans sa fourchette et, avec désespoir, je me rends compte que ses réactions sont celles de quelqu’un qui doit accepter la mort.
J’avais lu ça quelque part, il y a toujours phases : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. J’espérais qu’elle en viendrait rapidement à l’acceptation.
Lorsque j’avais expliqué ma situation à mes parents, elle avait commencé par lancer un « mais oui, allez, finis ton assiette ». Après quoi j’avais réitéré mon annonce, avouée avec toute la difficulté du monde.
Elle s’était levée, donc, et avait commencé à hurler sans même chercher à comprendre.
Déni, puis colère.
Elle ne cherchait pas à comprendre, pourtant son petit garçon n’avait jamais été réel. Ça n’était qu’un mirage qu’elle s’était créé, que les gens autour de nous avait consolidé, et que j’avais fait mine d’accepter, sans comprendre ce qui clochait. Je le sais à présent, et les choses ne seront plus jamais comme avant. J’ai vingt-deux ans, je vis avec ma petite amie, je suis indépendant. Ou bien mes parents allaient accepter que leur enfant était une enfant devenue adulte, jeune femme au lieu de jeune homme, ou bien les ponts se rompraient, pensé-je soudain en un sanglot silencieux.
Je les veux dans ma vie. Ils sont ma vie, tout comme l’est ma petite amie.
Et justement, après la colère, sous les yeux de mon père ébahi qui ne comprend apparemment même pas la situation, ma mère reprend la parole. Elle s’était tue. Elle cherchait quelque chose à dire, et voilà qu’elle l’a trouvé.
– Et Julie ? Intervient-elle. Ta petite amie ? Tu l’aimes, non ? Tu vas la quitter ?
– Elle est gay, lui expliqué-je avec force. Et je le suis aussi. Je l’aime, et le fait d’être une femme ne changera pas ça. Je l’aimais avant, et je l’aimerais ensuite.
C’est en Julie que j’ai trouvé la force de répondre à ma mère. Elle en est mortifiée, je le vois bien, et son regard se tourne vers mon père.
– Et toi, tu ne dis rien ? lui lance-t-elle.
– C’est son choix, murmure mon père. C’est comme ça.
Il a tort, mais je préfère ne rien dire. Si j’avais eu le choix, j’aurais choisi d’être un jeune homme « normal », comme le souhaitaient mes parents, comme ils le croyaient avant cette discussion.
Je n’ai rien choisi, je suis une femme, voilà tout.
Ils ne comprennent pas. Ma mère n’accepte pas. Mon père est sous le choc. Pourtant, il faut qu’ils s’y fassent, car dans quelques semaines commencera mon traitement, et je changerai. Je deviendrai celle que je suis.
Cette chose entre mes jambes, ce n’est pas moi. Je ne suis pas lui. Je suis elle, celle qui me sourit derrière le miroir, que je vois en moi comme prisonnière d’une cage dont il ne tient qu’à moi de couper les barreaux.
Je veux devenir Lucie.
– Mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour qu’il en arrive là ? murmure ensuite ma mère ne se rasseyant devant son assiette. Je suis une mauvaise mère…
La dépression. Elle en était au quatrième stade.
– Tu n’es pas une mauvaise mère, maman. Et tu n’y es pour rien, lui expliqué-je encore. Personne n’y est pour rien.
Je suis désolé pour elle, mais je ne dois rien céder. J’ai souffert toute ma vie de celle qui grandissait en moi, qui souhaitait sortir sans que je la laisse faire. J’ai trop à perdre en laissant la culpabilité me ronger, et tellement à gagner si je la laisse passer sans rien dire.
Pourtant elle est ma mère, et j’adorerais la prendre dans mes bras, lui dire que je l’aime, chercher son pardon.
Mais je n’ai rien à me faire pardonner. Mon annonce n’est qu’un constat, et je ne suis pas responsable de ce qui arrive. La nature l’est, peut-être, s’il doit y avoir un responsable.
– Maman ? l’appelé-je en me levant. Papa ? Je vais partir à présent. Je rentre. Je vous aime, vous savez ? Vous avez perdu un fils, mais il n’a jamais existé. En échange, vous gagnez une fille et, dans quelques mois, si vous n’êtes pas revenus vers moi, vous ne me reconnaîtrez plus. Si, comme je l’espère, nous nous revoyons avant cela, alors vous ferez à nouveau partie de ma vie, et on ne se quittera plus. Je vous aime, répété-je. C’est tout ce qui importe.
Je marche sans me retourner, laissant là ma mère effondrée pour qui je ne peux rien, et mon père ébahi que j’espère revoir. En partant, je suis presque sûre d’entendre quelqu’un se lever de sa chaise, et je prie pour que l’un d’eux soit en train de courir vers moi pour m’embrasser.
Pourtant je ne sens aucun bras me serrer.
J’espère qu’un jour ils seront là.
La femme oiseau
Il y avait bien eu quelques signes. Tels des avertissements. Un chat, par exemple, apparemment paisible, qui avait bondi sur elle, toutes griffes dehors. Puis cette envie irrésistible de manger des graines au petit déjeuner
, et bientôt à chaque repas. Elle n’y avait prêté aucune attention.
Mais ce matin, quand elle se rendit compte qu’elle ne pouvait plus prononcer un mot, qu’elle n’émettait qu’un gazouillis, une suite de sons légers et agréables, elle dut se rendre à l’évidence. Elle se muait en oiseau.
Instinctivement, elle leva la tête vers le ciel. Les arbres du jardin lui parurent gigantesques. Au dessus, de vastes nuages blancs passaient, indifférents à son étonnement inquiet. Elle se sentait vulnérable. Il lui prit l’envie de trouver refuge au creux délicat d’une feuille. Elle sursauta au craquement d’une brindille. Son œil cligna au soleil et elle s’aperçut qu’elle était capable de distinguer le tout petit morceau de bois responsable de ce tout petit bruit. En se modifiant ses sens changeaient son appréhension du monde. Elle eut une irrépressible envie de cette brindille. Elle sautilla jusqu’à elle. Elle tenta de la saisir avec ses mains ; elle ne les trouva pas. Elle se pencha donc vers le sol et prit la brindille dans sa bouche. L’impression était étrange. Elle aurait dû sentir la fermeté du bois sur ses lèvres. Mais non, c’était la brindille qui se soumettait à la force de … son minuscule bec ! La métamorphose était presqu’achevée.
Elle battit des bras et… prit la direction du nid que protégeait la vielle pompe. L’air la soutenait, la portait et, si elle s’appliquait à bien faire des mouvements amples et réguliers avec ses bras, elle avançait ! Ce premier essai était un peu maladroit, comme les premiers pas d’un enfant. Mais c’était sûr : elle volait ! Quelle fierté de se poser près du nid et d’y trouver la juste place pour sa brindille. Pour claironner cet exploit, elle chanta : « ti-tip, ti-tip, ti-tip ». Les notes sortaient de son gosier avec facilité, claires, flûtées, joyeuses. Tout son petit corps rondouillard résonnait de ses appels. De la cour de la ferme des oiseaux lui répondirent. Quel concert ! Qu’il était bon de donner de la voix ainsi avec d’autres ! Comment elle, devenue si petite, pouvait-elle émettre un tel son et y trouver tant de bien-être ? Alors elle se regarda. Elle leva une patte ; mon Dieu qu’elle était fine ! Après, elle se découvrit un beau plumage bleu avec une touche de jaune sur le devant du poitrail. « Je suis une mésange bleue, se dit-elle, je suis mon oiseau préféré.» Ce fut sa dernière pensée consciente. Après, elle se remit à sa besogne : consolider son nid pour sa couvaison.
Affolé ; je le suis. Tout en regardant cette peau qui semble avoir vu tant de paysages, mon iris se brouille et laisse naviguer sur une mer salée les taches épileptiques d’un éblouissement secret. Je la scrute depuis l’autre côté de la terrasse. Je ne sais plus qui est arrivé en premier, comme si nos corps s’étaient retrouvés à quelques mètres pris dans un étau temporel. Sa vision est vague ; mon trouble évident. Elle ne cherche rien, n’attend personne, ne demande pas plus. L’horizon a pour elle l’apparat d’un immense lit où elle se laisse somnoler au grès des bruits que la brasserie charrie. Je ne peux l’importuner, je suis trop loin mais j’ai appris que les femmes sentent de suite quand on les observe. D’abord, il y a le premier regard, vital, nécessaire, que tout individu est forcé de lancer en éclaireur pour délimiter son territoire dans lequel un inconnu s’immisce. C’en est presque animal. Un instinct ancien. « Lui » ne peut me faire du mal. « Elle » est une grand bourgeoise. « Lui » est potentiellement dangereux. Etc. Etc. Mais, alors que l’homme, souvent balourd et d’une maladresse confondante continue à s’attarder sur le visage impassible d’une jeune fille, celle-ci, qui a su déceler en l’autre la complexité d’une personnalité ou sa grande banalité autant intellectuelle que physique, n’opérera presque jamais ce fameux second regard (il faut que ce soit une personne connue, extravagante ou prodigieusement belle pour cela). Ce regard qui revient et qui croit nous faire souscrire à une plus-value d’attention. Ce regard anodin que les hommes interprètent si mal. Ce regard qui ne s’est pas attardé sur moi. Je le sais ; qu’elle ne s’est pas risquée pas à dévoiler ; je n’ai rien d’un séducteur ou d’un fou dangereux ; juste une silhouette vite jaugée. Elle partira sans me considérer mais en m’ayant vu et sondé au-delà de mes projections les plus délirantes. Alors je prends du papier, un stylo, de l’aquarelle et me permets de subtiliser son éclat en quelques traits. Voyeur, un peu ; voleur de beauté, pourquoi pas. Il faut faire vite ; non qu’elle paraisse pressée. Vite car mon impression est fugace et je souhaite que mon dessin soit à la hauteur de cette peau qui semble avoir vu tant de paysages, alors mon iris se brouille… Je repose mes lunettes après avoir écrit ces quelques mots sous le portrait. Je relève la tête. Mon inconnue s’est envolée.
Et comment fait-on pour envoyer un texte pour le 8 mars ? Où faut-il le copier ? Merci, Odile, de me donner ce renseignement.
Bonsoir Émilie
Tu as deux possibilités soit l’envoyer à plumesdicietdailleurs@gmail.com et je le mets en ligne en commentaire de cet article ou tu le copie-colles en commentaire de cet article et il est validé dans la journée. Les deux sont possibles
Belle écriture
Odile
Une plume